mercredi 20 juillet 2016

Soudain, il y 4 ans...

Il y a 4 ans, j'étais heureuse.
J'avais mon atelier de couture, une famille, du bonheur et des projets plein la tête.
Toi, tu es rentrée de vacances, tu avais passé un mois en Corse, tu m'as fait admirer ton bronzage, tu t'es moquée de ma couleur diaphane, comme d'habitude et comme d'habitude je t'ai soutenue que j'étais bronzée...
Le soir, nous avons dîné tous ensemble, nous avons fêté ton anniversaire qui avait eu lieu durant tes vacances, j'avais préparé tout ce que tu aimais, des petits feuilletés au fromage de chèvre et au miel, du mesclun et puis j'avais acheté une tarte aux fraises car tu étais "Mme Desserts", je t'avais offert un porte-clés Lancel avec un ours... Depuis que j'étais petite tu m'appelais mon ours, mon chat, ma Toche...
Nous étions si heureux ce soir là...
Puis tu est partie chez Aurélie pour dormir car ta chambre que tu avais voulu jaune safran comme le riz de la paella, ta chambre aux murs cirés et au parquet poli comme un miroir était finie mais il restait à GDF à venir raccorder le compteur pour que tu aies de l'eau chaude... Tu m'as embrassée, tu m'as dit "Ma Toche, demain vers 9 heures je passe boire mon café.", comme d'habitude j'ai grogné que ce n’était pas une heure pour les chrétiens mais tu n'en avais que faire, tu passais quand bon te semblait parceque j’étais ta fille, ta propriété et que je me devais de me plier, bien souvent en râlant, à tes quatre volontés.
Du pas de la porte, je vous ai regardées partir, deux dames âgées pétillantes de vie et Faloo qui trottinait à tes côtés.
Un quart d'heure plus tard, on a sonné à la maison, une dame m'a dit "votre maman a eu un accident ", puis elle a ajouté "ce sont deux dames âgées avec un shitzu blanc et noir", là je me suis dit ce sont les miennes. J'ai demandé le lieu de l'accident, nous sommes partis au pas de course avec Stéphane... En moi même je me disais, non ce n'est pas possible, ça ne peut pas être maman.
Nous sommes arrivés devant la trésorerie principale, il y avait pléthore de voitures de police et un camion de pompiers, je me suis précipitée, on ne voulait pas me laisser passer, j'ai dû décliner mon identité puis la tienne, là on m'a confirmé que c'était bien toi qui était dans ce camion rouge...
On n'a pas voulu me laisser monter à tes côtés, tu étais consciente, je me souviens t'avoir crié "Maman, je suis là, t'en fait pas tout va bien"... Je sais que ce n'est pas bien ce que je vais dire mais j'en veux terriblement aux urgentistes présents sur place de ne pas m'avoir laissée monter à tes côtés, j'aurais pu te prendre la main et te dire "je t'aime" tant que tu étais encore consciente.
Puis j'ai vu ce petit utilitaire blanc posé en travers de la rue, dans son capot ta silhouette était comme sculptée en 3D...
Puis il y a eu ce couple horrible derrière moi qui essayais absolument de voir ce qui se passait dans le camion. A un moment, je me suis retournée et je leur ai dit que ce n’était pas un spectacle et là, la femme m'a répondu avec morgue "On a le droit d'être là, c'est notre fils qui l'a renversée." Je sais que je me suis mise à leur crier dessus et que les pompiers les ont fait évacuer... Je me souviens aussi qu'un peu plus tard, un jeune est venu me voir et m'a dit "Alors comment elle va la vieille, elle va crever? C'est mon frère qui l'a renversée." Là je lui ai demandé de ne pas m'adresser la parole et que nous nous verrions au tribunal, il m'a répondu " Ouais, sale pute, je viens gentiment aux nouvelles et toi tu me menaces le tribunal." Je sais que là le ton a vraiment monté et que la police a évacué ce sous-individu, et j'ai remercié le ciel que Stéphane soit entrain de s'occuper d’Aurélie et que Flo ne soit pas encore là car je n'aurais pu les retenir et il y aurait eu un déferlement de violence...
Flo nous a rejoint, interminablement nous avons attendu dans la salle d'attente des soins intensifs...
Les médecins nous ont reçus et nous ont dit que tu étais brisée de partout, que tu avais un trauma crânien et une hémorragie interne et qu'on te descendait au bloc...
Nous sommes rentrés, abattus, sans un mot, vers 4 heures du matin je me souviens avoir téléphoné aux soins intensifs, tu étais remontée du bloc et tu avais été mise en coma provoqué...

Ce jour là, je ne savais pas que je ne te reverrai plus jamais consciente, qu'il me faudrait seule prendre la terrible décision de faire arrêter les soins car tu étais dans un état végétatif, que tu allais nous quitter 9 jours plus tard, que j'allais perdre ma maman.




Il y a 4 ans, un jeune inconscient qui roulait trop vite, qui croyait qu'une voiture se conduit comme on utilise une console de jeux, a brisé une famille et m'a volé ma maman.
Ton amie Clo qui est née début juillet t'attendait pour que vous fêtiez vos anniversaires ensemble, depuis elle n'a plus fêté son anniversaire, ce "rendez-vous manqué" lui a ôté la joie de faire la fête à cette occasion...

Il y a 6 jours, un "fou de Dieu" au volant d'un gros camion blanc a foncé dans la foule massée sur la Promenade des Anglais dans le but de tuer le maximum de gens.
Je m'associe à la douleurs de ces familles qui ont perdu un être cher, à l'angoisse de ces familles qui font le siège du service de réanimation attendant avec espoir un mieux.
Je connais votre douleur, je l'ai vécue, 4 ans plus tard, je la vis toujours au quotidien.

Je pense aussi à mon amie Jocelyne qui a perdu sa Barbara, une de ses filles un 20 juillet.
Pour nous deux ma Jo, le 20 juillet est une date horrible, nous sommes liées par deux boules de poils noires et blanches, deux Twins adorables et maléfiques, nous sommes aussi liées dans la peine.
Tu connais ma douleur, je connais ta douleur, tu m'as guidée quand j'étais plus que mal, quand pour avoir l'impression de retrouver ma mère, j'ouvrais son flacon de parfum et que je respirais cette odeur qui était la sienne sans vraiment l'être et qu'alors seule chez moi, je pouvais laisser couler ce torrent de larmes que je n'ai pas montré à la face des gens.

J'ai beau avoir 48 ans, être la maman d'une jeune homme de 23 ans, je me sens orpheline, il me manque une partie de moi-même, il me manque ma mère, il me manque ma maman.
Le temps n’atténue ni la douleur, ni le manque, ni le vide laissé par le départ si soudain d'un des siens, Quatre ans après, je suis toujours brisée dans mon cœur comme maman l'était dans son corps.
Quatre ans après, je suis une handicapée physique, le choc du décès de maman a révélé la Fibromyalgie dont je souffrais depuis longtemps.
Quatre ans après, je suis une handicapée des sentiments, j'ai peu à peu écarté de moi toutes mes amies de Nice, je suis seule au monde, malheureuse, je n'ai plus personne en dehors des Cloclos, les amis merveilleux de maman, ma Steph, ma petite sœur de cœur, mon amie libanaise connue en 1982 lorsqu'elle est arrivée du Liban, ainsi que Léa, sa maman avec qui je parle souvent car j'ai un peu l'impression de parler à maman.
L'absence de maman me pèse tous les jours, je ne peux m’empêcher de parler d'elle, de montrer les photos d'elle que j'ai dans mon portable. La vie est trop injuste, je veux ma mère.


1 commentaire:

  1. Je vois que mon commentaire n'est pas passé ou peut être pas encore publié....c'est bien triste de perdre une maman et de subir les injures de la famille du chauffard....je crois que je les auraient tués....dommage que tu n'ai pas pu entrer dans l'ambulance...c'est tellement triste
    Gros bisous de réconfort!

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