samedi 30 janvier 2016

Je suis en deuil de joie

Demain c'est mon anniversaire. Je ne suis plus une gamine, j'approche à grands pas de la cinquantaine. Je ne saute pas de joie à l'idée de faire la fête, à l'idée du repas que j'ai mitonné de mes blanches mains pour mon mari dont c'est aussi l'anniversaire (nous sommes nés le même jour, mais pas de la même année) et pour pour mon fils, pourquoi?
Parcequ'il va manquer une personne, parce que je n'aurai pas ma mère à mes côtés.
C'est mon troisième anniversaire sans elle et le manque se fait toujours sentir.
Aujourd'hui, j'ai réalisé que contrairement à maman, je n'aurai pas mes parents pour fêter mon demi siècle dans deux ans et je dois dire que cette prise de conscience a été effroyable.
C'est ridicule de dire à mon âge, je suis orpheline, pourtant il y a dans mon cœur un manque. Au quotidien, je vis sans mes parents, je peux dire que chaque jour qui passe il n'y a pas quelque chose sans que je sois sans penser à maman, mais là aujourd'hui je ressens encore plus le manque car mon anniversaire c'était sacré.
Nous avons toujours fêté plusieurs fois les anniversaires de chaque membre de la famille et cela faisait rire tout notre entourage...
En général, il y avait le jour J un repas au restaurant rien que pour nous deux, maman et moi, un repas où on parlait de tout de rien, de l'avenir, où ce jour là les sujets épineux étaient évités, où nous riions pour un oui et pour un non, où je ne lui faisait pas les gros yeux parcequ'elle ne mangeait pas tout son plat pour prendre un gros "dessert sucré" comme elle disait, où elle ne me faisait pas les gros yeux parce que je finissais son plat avant le mien...
Ensuite, nous avions le repas de famille, avec fils, mari, marraine, amis très proches...
Puis chacune fêtait son anniversaire avec ses amis...
Que reste-t-il de nos traditions? Rien.
Nous fêterons notre anniversaire juste entre nous et puis c'est tout.
Pas de champagne, homme ne boit pas et fils n'aime pas le champagne...
Le champagne, c'était maman et moi, c'était comme lorsque nous faisions notre Noël avant l'heure, toutes les deux en tête à tête, où on s'offrait, du caviar, du foie gras et des petits fours de chez un bon pâtissier...
Je ne sais même pas pourquoi je fête mon anniversaire d'ailleurs... Je n'en ai aucune envie et cela ne me procure aucun plaisir... Depuis hier je me cherche des excuses pour ne pas le faire, pourtant je suis allée faire les courses en traînant les pieds, la mort dans l'âme...
Je me demande bien ce qui m'a pris de dire à fils et mari que nous fêterions notre anniversaire et que j'allais cuisiner pour cette occasion. Je pense que l'année prochaine je fermerai ma grande bouche et je resterai chez moi. 
Peut-être je m'acheterai de la Tropezienne chez mon boulanger, ou des macarons au Corner Pierre Hermé, voire les deux, puis je prendrai une dose de somnifères à assommer un bœuf pour dormir jusqu'au lendemain et oublier que j'ai fêté mon anniversaire sans ma mère à cause d'un connard de petit jeune qui roulait comme un fou en faisant l'andouille avec ses potes et qui ne l'a pas vue traversant sur le passage protégé, toute de rouge vêtue, avec son petit chien...
Je suis amère, j'ai beau être croyante, pratiquante, je ne peux pas pardonner. Je n'y arrive pas et je n'y arriverai jamais. Quand je pense à ce jeune, [celui-là même qui lors de son procès n'etait pas pétri par le remord et la culpabilité], un mois plus jeune que mon fils, je l'appelle "l'assassin". 
Il m'a pris ma mère, l'a faite souffrir et m'a laissé le soin de dire que on pouvait aider maman à partir car il n'y avait plus rien à faire. Il m' laissè le soin de faire mourir ma mère... Il y a toujours un doute au fond de moi, et si je n'avais pas laissé les médecins lui faire de quoi s'enformir paisiblement peut-être aujourd'hui serait-elle avec moi, dictatoriale quand au choix du menu et surtout du dessert...
Il y a toujours au fond de moi cette douleur lancinante. Il y a toujours au fond de moi l'angoisse que j'ai eue quand nous sommes arrivés avec mon mari sur les lieux de l'accident et que nous avons vus tous ces gyrophares clignotants. Il y a toujours au fond de moi la vue de maman dans le camion de pompiers, elle qui était encore consciente et moi qu'on a pas laissée monter, j'aurais pu la rassurer lui dire que j'étais là, lui communiquer ma force, mon envie de vivre... Il y a toujours au fond de moi l'entrevue avec le médecin de la réanimation nous assénant à mon fils, mon mari et moi l'étendue des 
blessures, l'étendue des monstrueux dégâts qu'avait fait ce bolide de tôle contre une petite dame d'un mètre cinquante et 45 kilos... Il y a toujours au fond de moi la vue de ma mère reliée à tous ces tuyaux, à toutes ces machines en réanimation, il y a toujours au fond de moi la vue de l'infirmière fermant la porte de la chambre de maman une semaine après l'accident, pour que le médecin me parle... Pour qu'il me dise sans ménagement qu'il n'y avait plus rien à faire pour sauver ma mère que c'était de l'acharnement thérapeutique. Je me revois au milieu de la nuit, assise par terre, dans le couloir devant la porte du service de réanimation attendant qu'on m'ouvre pour que je puisse passer du temps, encore un peu de temps avec ma mère... Mais malgré ce qu'on m'avait promis on ne m'a jamais ouvert...
Je réentends le dimanche matin le coup de téléphone de l'infirmière me disant de vite venir que c'était la fin... Je revois ces quelques heures passées avec maman, je l'ai coiffée, parfumée, embrassée, je lui ai parlé, je lui ai chanté les chansons qu'elle aimait, consciente que c'était la dernière fois, que c'etait la dernière fois que je sentirai l'odeur de Calèche mélangé à sa peau, consciente que peu à peu son cerveau déjà mort manquait d'oxygène, que son cœur battait de plus en plus lentement, consciente qu'après cela je n'aurai plus le loisir de lui tenir la main, de lui dire que j'étais à ses côtés, ça a été une des journées les plus dures de ma vie et pourtant je donnerais n'importe quoi pour revivre ces quelques heures, pour lui tenir la main encore et encore, pour lui demander de ne pas partir, de ne pas m'abandonner car je n'étais pas prête, car je la voulais encore à mes côtés pour longtemps, pour lui dire que malgré les hauts et les bas, malgré nos chamailleries perpétuelles je l'aimais et qu'elle devait rester avec moi, je voudrais lui dire que presque 3 mois plus tôt, pour sa fête, elle m'avait dit qu'elle se donnait encore 10 ans et qu'après il faudrait l'oublier car elle ne voulait pas devenir centenaire... Mais cela ne se fera pas... Elle ne reviendra plus, plus jamais je ne tiendrai sa main aux doigts déformés par la polyarthrite, plus jamais je ne la verrais rire à gorge déployée à l'idée de la blague qu'elle allait me raconter...
Vous allez dire que je tourne en boucle, que cela fait trois ans et demi que je ressace le décès de ma mère mais je n'arrive pas à surmonter le chagrin, l'absence...
Alors demain, comme tous les jours, je vais faire semblant, je vais sourire, je vais faire comme si 
j'étais heureuse mais je ne le serai pas car je crois que plus jamais je ne le serai.
Mon quota de joie et de bonheur est parti avec maman, je ne suis plus la Lola qui s'extasiait de tout et de rien, qui riait de bon cœur, qui s'amusait... Je suis vide, je suis comme une coquille de noix sans fruit à l'intérieur.... 
Moi, je n'ai plus d'anniversaire, je n'ai plus envie de fête, je veux juste que ces jours là on me laisse tranquille, qu'on me laisse ressasser mon manque, ma peine et que je ne sois pas obligée de faire semblant d'etre heureuse...

À mon mari, je souhaite un bon anniversaire, merci Stéphane de me supporter ainsi depuis 3 ans et demi.


6 commentaires:

  1. Je comprends ce que tu ressens petite soeur , Papa est décédé le 7 mars 2001 donc 4 jours avant mon Anniversaire , 4 jours avant mes 40 ans et je sais que Papa aurait voulu une grande fête comme nous l'avions fait pour mes 20 ans et les 20 ans d'Isabelle . Donc mon Anniversaire sera toujours associé au décès de Papa . Le soir du décès de Papa j'ai dit à maman "je ne veux rien pour on anniversaire , je ne veux pas de cadeau" et maman m'a répondu " Trop tard c'est déjà fait , tu vas pas refuser ce que papa aurait voulu pour toi et ce que l'on avait prévu pour toi" Et puis le jour de mon anniversaire ( donc deux jours avant les obsèques )après le petit déjeuner maman me donne un tout petit paquet cela venait d'un Bijoutier, c'était une magnifique gourmette en argent massif avec mon prénom gravé . Maman m'a dit que papa même dans le coma savait pour ma gourmette. En fait le 5 mars quand le médecin a dit à mamamn que c'était fini pour Papa , elle est reparti de l'Hôpital elle a filé à toute allure chez son bijoutier , elle a choisi la gourmette et a demandé la gravure en urgence et le lendemain elle a filé à l'hôpital pour que Papa puisse toucher la gourmette avant de s'en aller , Papa avait en quelque sorte béni la gourmette dans son coams et cela pour moi cela a une ve=aleur inestimable.
    Tu sais Lola cene sont pas anniversaires aui on été le plus difficiles sauf les premiers mais ce sont surtout les premiers Noël , et je ne te dis pas ce que j'ai fait lors du 2me Noël après le décès de Papa .....
    Lola si tu pourras à nouveau être heureuse , je sis que pour certains c'est plus long que d'autres mais t peux y arriver , j'en suis certaine.Allez gros bisous petite soeur ce témoignage m'a beaucoup touchée.

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    1. Nos papas sont décédés la même année, papa est mort 3 jours avant son anniversaire et 18 jours avant le mien...
      Nous nous sommes soutenues, épaulées et encore plus soudées avec maman, je suis retournée vivre chez elle car elle ne se sentait pas d'etre seule, j'ai mis 3 ans pour repartir... Nous étions trop collées l'une à l'autre pour que son décès se passe bien, mais vu les circonstances dans lesquelles il s'est passé, cela m'a brisée à tout jamais. Heureusement, d'une part j'ai mon fils, et puis d'autre part j'ai ma famille d'adoption, toi ma grande sœur, et mes amies virtuelles et réelles qui m'aident au quotidien à tenir le coup, mais je ne pourrai jamais passer à autre chose... Merci ma Cricri d'etre toujours là pour moi, j'ai perdu un frère qui se croit supérieur à moi sur bien des choses mais j'ai gagné une sœur qui a un cœur en or et pour moi c'est très important et pour rien au monde je ne referais l'echange en sens inverse.

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    2. Plein de gros bisous ma petits soeur , je pense très fort à toi aujourd'hui

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  2. Et j'espère pouvoir fêter tes 50 ans avec toi si ma
    situation me permets de venir. à Nice une deuxième fois à Nice dans l'année.

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    1. On se dérouillera, je t.aiderai, mais je t'assure que tu seras à mes 50 ans.

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  3. Bisous Lola, demain, je te souhaiterai quand même un bon anniversaire. Tu en feras ce que tu veux, mais fais le vœux, en soufflant tes bougies, qu'un peu de bonheur rentre de nouveau dans ta vie. Pas d'oublier, mais de laisser une petite étincelle de joie entrer dans ton cœur...

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